Le métier de d’agent ou de conseiller immobilier est parfois perçu comme purement commercial. Mais ici, au Pays Basque, il prend une dimension bien différente.
Nous ne travaillons pas seulement avec des biens : nous travaillons avec des vies, des racines, une culture, un territoire qui ne cesse d’attirer… et de se tendre.
L’éthique pour l’agent immobilier n’est pas une option dans ce contexte : elle est le cœur du métier.
Comprendre le contexte tendu du Pays Basque
Vivre et travailler dans une région aussi belle que le Pays Basque est une chance. Mais cela s’accompagne d’une réalité complexe. La pression immobilière est forte, et les conséquences se font sentir :
• Logements à l’année qui disparaissent au profit des locations touristiques.
• Jeunes locaux contraints de partir faute de pouvoir se loger dans leur propre commune.
• Prix en constante augmentation, poussés par une demande extérieure souvent très solvable.
Dans ce contexte, chaque transaction peut être lourde de conséquences. Pour moi, exercer ce métier ici demande une conscience permanente : celle d’appartenir à un territoire vivant et fragile.

Les dilemmes éthiques rencontrés par les agents immobiliers
L’agent immobilier est au croisement d’intérêts parfois opposés et ce sont de véritables dilemmes éthiques que rencontrent les agents :
• Quand un bien reçoit plusieurs offres, dois-je favoriser le prix le plus haut… ou l’acheteur qui en fera sa résidence principale ?
• Dois-je accepter des projets d’investissement purement spéculatifs alors qu’ils contribuent à déstabiliser l’équilibre local ?
• Que faire lorsqu’un promoteur propose une commission alléchante pour commercialiser des logements déjà inaccessibles aux Basques ?
Au-delà du respect absolu de la loi et des règles strictes qui encadrent ma profession de conseiller immobilier, je suis confronté quotidiennement à certains choix. Je ne prétends pas toujours faire les bons. Mais je crois que poser la question de l’éthique pour un agent immobilier, c’est déjà refuser de se contenter d’être un simple exécutant.
Éthique de l'agent immobilier et responsabilité : pistes d’action pour les professionnels
Il est de notre devoir de professionnels de l’immobilier de privilégier la transparence dans les estimations et les conseils. Dire la vérité, même si elle ne fait pas toujours plaisir et être honnête dans ses estimations et dans les perspectives de location ou de revente. D’accompagner les propriétaires vers des ventes durables et pas seulement rentables.
Mais aussi de favoriser les projets d’acquisition à usage de résidence principale. Certains vendeurs ne mesurent pas toujours les impacts de leur vente. En tant qu’agent, on peut les aider à prendre des décisions réfléchies, et pas seulement guidées par le profit immédiat.
Il est bien évidemment indispensable de connaître les politiques publiques locales pour mieux orienter les clients. La loi évolue, les règles changent : zones tendues, plafonds de loyers, droit de préemption. Il est de notre devoir d’être à jour pour bien informer, orienter, et éviter les abus – parfois involontaires.
Le rôle de l’agent immobilier n’est pas seulement commercial, c’est un acteur du territoire qui a une responsabilité de médiateur local. Il pourra ainsi jouer un rôle d’équilibre entre dynamisme du marché et préservation du tissu local. D’où l’importance de s’impliquer dans les réseaux locaux, de comprendre la culture et l’histoire du territoire.
L’éthique ne va pas de soi, elle se construit. C’est pourquoi je crois profondément à la formation continue. Elle ne doit pas seulement être juridique ou technique, mais aussi humaine. Comprendre les mécanismes sociaux, les tensions territoriales, les réalités de la précarité logement… Tout cela nous aide à mieux agir, avec plus de conscience. C’est aussi ce que j’attends des écoles et organismes qui forment les agents de demain.
Pour conclure
On oublie parfois que l’agent immobilier est aussi un médiateur. Nous ne faisons pas que vendre : nous mettons en lien. Nous orientons les usages du territoire.
En m’impliquant dans les réseaux locaux, en discutant avec les mairies, les associations, les collectifs citoyens, j’ai compris une chose : on peut être professionnel et engagé. On peut travailler dans l’immobilier sans renoncer à une vision. Mieux, c’est cette vision qui donne du sens à ce que je fais.
Travailler dans l’immobilier au Pays Basque, ce n’est pas neutre. C’est exercer un métier à responsabilité, au cœur d’un territoire aimé, désiré, disputé. L’éthique ne se décrète pas, elle se vit. Elle se façonne dans les choix quotidiens, dans les compromis, dans les refus parfois. Elle suppose du courage, de la lucidité, et un attachement sincère à l’Euskal Herria.
Et si demain c’était cela, être un “bon agent” ? Non pas celui qui vend le plus vite, mais celui qui agit avec justesse…